Observation et analyse chimique EDX d’un vieux remède appelé « Boule de fer » au MEB

Introduction à la communication de Térésa Toll-Duchanoy par Colette Keller-Didier, docteur en pharmacie :

Avant de donner la parole à Madame Toll-Duchanoy, je vous dois quelques explications sur ce « vieux remède ». Il s’agit des « boules d’acier » encore appelées « boules vulnéraires » ou « boules de Nancy » car les plus réputées étaient préparées par les maîtres apothicaires de Nancy au XVIIIe siècle.

Ces boules sont composées de limaille de fer, d’infusions de plantes vulnéraires (c’est-à-dire antioedémateuses et cicatrisantes) et de tartrate double de potassium et de magnésium recueilli par grattage des parois intérieurs des tonneaux en bois.

Ces boules étaient censées guérir tous les maux. Elles étaient plongées quelques instants dans de l’eau ou du vin. Le liquide qui avait bénéficié ainsi de leurs bienfaits servait à mouiller un linge que l’on appliquait sur les plaies. Il était également très courant de faire boire ce liquide aux jeunes personnes affaiblies, atteintes de chlorose ou de « maladie de langueur ».

Ces boules sont aujourd’hui des « antiquités » conservées dans les musées. Il nous est apparu intéressant d’en soumettre une à l’analyse microscopique moderne pour mieux comprendre sa composition.

COMMUNICATION

Le Microscope Electronique à Balayage (MEB) utilisé pour cette étude est un microscope PHILIPS XL 30 FEG (photo ci-dessous). Il est constitué d’une colonne électronique et d’une chambre objet. Le faisceau d’électrons est produit dans la partie supérieure de la colonne, il est ensuite affiné puis dévié point par point et ligne par ligne. L’échantillon étudié est positionné dans la chambre objet sur une platine motorisée permettant les déplacements. La gestion du microscope est assurée par des logiciels informatiques.

Microscope Electronique à Balayage

Cet appareil nous permet non seulement l’obtention des images de la surface des échantillons mais également leur analyse chimique. Les deux modes de travail, mode image et mode analyse, sont possibles grâce aux interactions se produisant entre le faisceau d’électrons et le matériau étudié. Ces interactions conduisent à l’émission des rayonnements secondaires sous l’impact du faisceau. Les avantages du MEB sont multiples mais, parmi les plus intéressants pour cette étude, nous pouvons citer la grande profondeur de champ nous permettant l’observation des surfaces rugueuses et la possibilité de réaliser des analyses chimiques moyennes (d’une surface de quelques mm2) ou ponctuelles (d’un volume de l’ordre du μm3).

    

En ce qui concerne la « Boule de fer », deux types de surfaces d’échantillons ont été observés à savoir : rompues et polies. Dans le souci d’éviter toute contamination des préparations cette étude a débuté par l’observation des surfaces rompues. Nous pouvons remarquer sur ces surfaces (photos ci-dessus) la présence des différents constituants de morphologies et de tailles différents. Toutes les micrographies présentées ont été réalisées en détectant le rayonnement secondaire appelé « électrons rétrodiffusés » qui fournit un contraste de composition chimique. Les particules les plus claires sont constituées d’éléments chimiques dont le numéro atomique moyen est le plus élevé. La comparaison des 3 micrographies prouve qu’il s’agit d’un matériau assez hétérogène, composé de particules relativement grossières qui sont noyées dans un milieu que nous pouvons appeler « liant » composé quant à lui de particules plus fines.

L’analyse chimique moyenne (photo ci-dessus), dont la surface est de l’ordre de 3 mm2, a été réalisée grâce à l’identification des photons X en fonction de leur énergie. Les éléments chimiques majoritairement présents dans la « Boule de fer » sont : fer, carbone, oxygène, potassium, silicium et calcium. Parmi les éléments minoritaires nous pouvons citer : sodium, magnésium, aluminium, soufre et chlore. La présence d’or sur le spectre est inhérente au dépôt d’une fine couche de cet élément sur la surface des échantillons afin de la rendre conductrice ce qui permet l’évacuation du flux constant des électrons.

Pour déterminer la composition chimique qualitative des différents constituants de la « Boule de fer », des analyses de surfaces beaucoup plus petites, voire ponctuelles, ont été réalisées. Les trois particules analysées (photo ci-dessus) présentent la même composition. Elles sont constituées de potassium, de carbone et d’oxygène. Nous pouvons imaginer qu’il s’agit de bitartrate de potassium l’un des composants de la lie de vin.

Sur la ci-dessus les particules analysées sont principalement composées de calcium, oxygène et carbone. Il est possible qu’il s’agisse ici du tartrate de calcium qui rentre également dans la composition de la lie de vin.

Un autre type de particules qui composent la « Boule de fer » est présenté (photo ci-dessus). Cette fois nous observons la présence uniquement de silicium et d’oxygène. S’agit-il de silice donc de grain de sable ? C’est tout à fait possible.

Les particules apparaissant relativement sombres sur la photo ci-dessus sont constituées de carbone. Dans ce cas nous pouvons imaginer qu’il s’agit de fines particules de charbon ou de coke.

La photo ci-dessus correspond à l’analyse des composants de la « Boule de fer » qui paraissent en plus clairs sur les micrographies et qui ont la forme de plaquettes. L’élément majoritaire est le fer. La présence d’oxygène signifie qu’il s’agit de plaquettes oxydées en surface.

Les mystérieuses billes (photo ci-dessus) sont également composées de fer ; elles aussi sont oxydées.

Afin de pouvoir étudier les particules riches en fer (photo ci-dessus) de façon plus approfondie, des observations ont été réalisées sur des surfaces polies de la « Boule de fer ». Nous pouvons observer, à l’intérieur de ces particules, des zones plus ou moins claires correspondant à des compositions chimiques différentes.

La photo ci-dessus est l’agrandissement des particules en question. Les zones claires sont composées principalement de fer ; par contre les zones grises contiennent en plus du silicium, du phosphore et du calcium. Il est fort possible qu’il s’agisse de plaquettes de fonte de deuxième fusion.

L’observation des surfaces polies confirme la présence de grains de sable et de fragments de coke (photo ci-dessus).

En ce qui concerne la composition chimique du liant (photo ci-dessus) nous retrouvons les mêmes éléments chimiques que dans la composition moyenne mais dans des proportions différentes ; de plus ces proportions varient en fonction de la zone analysée. Le premier spectre correspond à l’analyse chimique de l’ensemble de la surface de la micrographie et le deuxième spectre est relatif à l’analyse de la zone centrale. Nous pouvons remarquer que la petite zone centrale est plus riche en calcium donc en tartrate de calcium.

En conclusion, nous pouvons dire que les principaux constituants utilisés pour la confection de la « Boule de fer » sont probablement d’une part le bitartrate de potassium et le tartrate de calcium (les deux produits issus de la lie de vin) et d’autre part des fragments riches en fer (ce sont des particules de fonte) correspondant aux bavures et autres appendices enlevés au cours du nettoyage des pièces après leur extraction des moules.

Nous mettons également en évidence la présence d’autres éléments que nous pouvons appeler éléments « parasites ». Ce sont des grains de sable provenant probablement des moules, des particules carbonées correspondant aux poussières de coke et des éléments chimiques (Mg, Na et Cl) pouvant provenir de l’eau utilisée pour la macération de la « Boule de fer ». En ce qui concerne la présence d’aluminium nous pouvons l’expliquer, peut-être, par l’utilisation des récipients en aluminium pour cette macération.

Térésa Toll Duchanoy


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